Lorsque s’avançaient devant nous les fleurs des amandiers et leurs odeurs tenaces emplissant nos narines, lorsque perçant le ciel d’un bleu à nouveau dense, le soleil commençait d’écraser l’atmosphère, lorsque l’activité, elle-même anéantie ne laissant plus à l’homme que les nuits et leurs fêtes, lorsqu’à ce paroxysme tout tendait si fort qu’il était impossible de ne pas voir l’été réclamant sa place sur le globe, lorsqu’enfin pour nous autres animaux de la terre l’envie la plus certaine, la plus sourde qu’on ait, nous imposait, cinglante, la communion des sens, alors sans aucune invention, aucun calcul, aucune horloge, immémorialement de par notre nature, nous avions connaissance du début de l’été. C’étaient les premiers jours du mois de juin et déjà transpirants sur des claviers crasseux les PowerPoint verdâtres perdaient de leur attrait. C’était le temps d’après les ponts volés de mai, les ponts inexistants qui permettaient d’antan de relier sûrement le soleil de la Pâque à la fin du printemps. Depuis le 10 avril aucun n’avait trouvé le repos estival, l’ombre d’un olivier ou même quelques galets déposés sur la plage par la mer agitée. Depuis le 10 avril le monde était figé et attendait stérile la victoire des impies ou celle de l'hostie. Dans ces jours de pénombre où seule une déesse puisse retrouver sa route, ces jours labyrinthiques, Ariane nous dit : « allons, allons mes amis pour changer du côté de Paris, allons aujourd’hui du côté de Patmos. » Ainsi que les Hébreux arrivant en Judée après quarante années perdus et harassés, ainsi nous arrivions aspirés par le souffle d’un horizon nouveau, guidés par le destin et laissions au ciel notre fil cotonneux, transavianautes fidèles, braves et organisés. Les délégations de part et d’autres de la mer Égée en ses ports est et ouest, Athènes ou bien Kos, se retrouvaient plus tard, quelques heures pour les uns, un peu plus pour les autres, au centre de la terre, au contact du monde et de son au-delà. Ici, les visions les plus célestes allaient se manifester durant trois jours, trois jours durant lesquels un nouvel évangile s'écrirait, où nous autres, acteurs, non plus dans une grotte mais sur la plage de Georges, non plus dans la pénombre mais sous le feu de Hora, non plus sur une stèle mais sur le sable de Grikou, trouverions une place à jamais préparée.